Des ailes de papier,
ma prison.


Ma prison.
Est une prison sans barreaux.
Invisible, nul(le) ne la voit.
Invisible, je m'y heurte
A ses murs, carcans de brume
Et je hurle, et je frappe
En silence.
Silence.
Silence.

 

C'est une petite fille
Qui est en prison
En prison
Chez ses parents
La prison
La prison du silence
Sa prison est
Le silence
Ce silence…
Cette absence
De mots.
Pour dire.
Et, pour elle, pour moi
J'envoie à travers les barreaux
Invisibles barreaux
Bourreaux
Des ailes.
Des ailes de papier
Portent à l'infini
Infimes messagères
Des traces du passé
Infimes messagères
Passent entre les mailles les
Barreaux
Les invisibles bourreaux.
Papillons fragiles
Textes emportés
Vont-ils arriver
A percer le gouffre le
Silence
Fait sur sa vie, sur ma vie ?

Déjà enfant
Elle envoyait
J'envoyais
A travers ces barreaux
Des mots.
Des maux.
Des maux car il n'y avait plus
De mots.
Des maux
Portés par
Ces feuilles de papier
Que personne ne lisait
A cœur ouvert
Car personne n'avait le cœur
D'accueillir à bras ouverts
De petites ailes
De petites ailes de papier
Qui s'étaient envolées
Envolées de leur prison, pour dire
Pour dire
A la place de celle qui ne pouvait
Dire
A ma place.
Pour dire à ma place
Par les maux
Marqués dans mon corps qui était de
Papier
Comme une aile de
Papier
Echappée
De la Geôle, la sombre geôle
Où on l'avait enfermée
Où j'étais enfermée.
Pour dire à ma place
Hurler
Ce qu'aucun cœur n'entendit
Car personne n'avait le cœur
Car personne n'avait de cœur.
Car les cœurs étaient froids
Insensibles à l'invisible
Invisible prison
Invisible geôle
Ou l'on m'avait enfermée
Geôle de glace
Aux barreaux translucides
Que vous avez crus d'amour
Qui ne sont que de haine.

Et aujourd'hui, je crie
Je crie
Car mes ailes ont grandi
Je crie
Et ma parole porte
L'envol de mes ailes
Au loin, si loin
Si fragiles toujours
Et, à cause de cela
Si fortes
Ma parole porte mes fragiles ailes de papier
Au loin
Au loin jusqu'à toi
Au loin jusqu'à toi
Si tu veux entendre
Si ton cœur peut.
Et s'il ne peut pas
Le fragile papillon
Passera sa route,
Et plus jamais tu ne verras
N'admireras
Les couleurs de ses ailes
Les couleurs de ces ailes
De papier
Que tu pris
Par charité
Que tu pris
Ne les voyant que comme
Misère, lèpre
A guérir
Mais ce sont mes couleurs
A moi
Et si tu ne les vois pas
Si tu ne vois pas en elle une beauté
Laisse-moi
Laisse-moi dans ma prison
Je n'y suis plus
Je me suis envolée échappée
Tu étais mes barreaux
Toi aussi
Toi qui voulais m'aider sans recevoir
Toi qui m'accueillis par charité, non par amitié.
Toi qui m'accueillis avec ton cœur trop froid.
Regarde alors
Regarde enfin
Mes ailes de papier qui
S'envolent
Au loin, partout.
Partout
Et rendent leurs couleurs au monde
A mon monde
A ceux, à celles, qui veulent bien le partager.
Regarde enfin,
Regarde,
Ces ailes de papier,
Mes ailes de papier,
Couleur de l'arc en ciel
Que tu laissas s'échapper
Par charité
Par charité
Que d'autres accueilleront
Par amitié
Par amitié.

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