Un matin de novembre

C'était un matin
Après tant de matins.

Tant de matins
Gris
Sous une chape de plomb.

Nuages, noirs
Nuages, gris
Nuages, pluie
Sans fin et sans cesse.

Au-dessus des collines
Au ras des collines
Couvrant les arbres et
Leurs tristes feuilles mortes.

Dieu, que l'automne est triste et noir.
Et je regarde,
Et l'envie
Ou plutôt l'absence
D'envie,
Me tente
De rester là
Et d'oublier
Et de dormir
A jamais
Jusqu'à ce que cette chape s'en aille.
Que ces matins sont lourds…

Dieu, que l'automne est triste et noir.
Triste à cœur fendre
Triste comme ces feuilles
Mortes.

Automne, saison des morts.
Automne, saison de mort.
Saison des tombes et des brumes
Saison grise, saison noire
Saison de ce nuage qui obscurcit
Et le ciel et mon cœur
Chape de plomb sur le monde
Chape de plomb sur ma vie,
Sur ma tête.
Chape de nuage, massif, lourd
Lourd comme le poids du monde
Lourd comme la tristesse
Une tristesse au-delà du temps.

La tristesse d'un automne. D'un autre automne.
Jadis.

Mais…
Mais…
…ce matin
Etait un joli matin
Un matin d'hiver, en novembre.

Un matin d'hiver en novembre.
Quand je me suis réveillée, tout était blanc.
Collines invisibles
Sous le blanc
Luminescent
Eblouissant
Eclatant
Du nuage
De ce matin
Du brouillard
Qui brouille
Les pistes
Les feuilles mortes
Disparues
Sous cette lumière d'opale
Cristalline.
Et pure, et claire.

Et ce matin j'ai eu envie
De regarder
Envie
De me lever
Et j'ai vu
Le givre
Sur les herbes, les arbres les plantes
Et j'ai senti
La morsure du froid
Vif, sec
Morsure vivante
Signe de bise
Cette bise
Qui rend le ciel si beau si clair
Si vif
Aujourd'hui
Alors que la brume éclate
Par bancs par nappes
Laissant entrevoir
Les collines.

Collines rousses et leurs arbres
Au milieu du blanc
Lumineux.
Beauté de l'hiver
Beauté de l'hiver
Qui arrive
Après l'automne
Beauté de l'hiver
Qui lève cette automnale chape
D'un pâle rayon
D'un blanc rayon
D'un espoir
De soleil.

Et dans le froid, et dans le givre
Je trouve mon salut
Et ma joie
Métamorphose
De la mort
En lumière
Métamorphose
De l'automne
En hiver.

Et dans le froid, et dans le givre
Je trouve l'avenir
Perce neige
Sous le soleil
Pâle mais doux
Sous le soleil
Tamisé mais si blanc
De l'hiver.

Perce neige
Et givre qui s'ébroue
Se répand se sème
Sur le monde
Roux
De l'automne
Et le blanchit
Et le ranime
Le ramène
A la lumière
Du jour.
Eclatante.

Sous le blanc tissu du brouillard qui éclate, se répand,
Par nappes, par bancs.
Dans le froid, le froid de janvier, retour du jour.
Et du soleil.
Par un matin,
De novembre.

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